JOUR 1
Le premier jour est toujours particulier. Nous apprenons tous à nous connaître. “Nous savons que nous avons vécu plus ou moins la même histoire, nous sommes tous passés par la Libye, mais chacun de nous est unique”, confie Egbal, en anglais, lors d’une première réunion en groupe. Une réunion où l’on énumère quelques règles de vie afin que le séjour se déroule au mieux. Comme le dit Anas, qui vient pour la seconde fois, “nous sommes la famille Limbo”.
JOUR 2
Hier soir, nous avons beaucoup échangé sur l’Europe, la Libye. David nous a parlé du “boza”. Le boza, c’est le fait de traverser la Méditerranée. Il a chanté “Hey mon frère, Bailo, pourrais-tu me prêter ta petite chaussure avant de faire le boza ?” Ce soir-là, nous avons tous chanté ensemble. Aujourd’hui, à table, à côté de la cheminée ou même en revenant de l’art-thérapie, nous continuons d’échanger sur l’exil, sur cette longue route, incertaine et dangereuse. Mais inévitable. Conques est un lieu de répit où personne n’est obligé de raconter ce qu’il a vécu. Mais parfois, les langues se délient et la parole sort en un flot continu.
JOUR 3
Cette semaine, l’art-thérapie se déroule dans un grand amphithéâtre. “Comme les stars” lance Kenan. Grâce à Linda-Kris, l’art-thérapeute, on entre en contact les uns avec les autres. Un jour, on apprend à se faire confiance en fermant les yeux et en laissant quelqu’un d’autre guider nos mains. Le lendemain, on forme un cercle. Chacun son tour, on se met au centre et on exprime qui nous sommes à travers la danse. Pour notre dernier exercice, main dans la main, nous courons ensemble vers l’avant de la scène en criant nos prénoms : “Djibi !”, “Mohamed !”, “”Egbal !”, “Bailo !” … Fiers d’être ensemble. Fiers d’être qui nous sommes. Un cri du cœur, pour dire à tous “je suis vivant”.
JOUR 4
À Conques, au-delà de l’art-thérapie et des échanges, il y a des rencontres. Et souvent, des rencontres artistiques. L’Aveyron est une terre riche d’artisans. C’est la seconde fois que Valérian emmène des jeunes de Limbo dans l’univers du cirque. Le groupe, émerveillé au début, se divise progressivement. On est à mi-séjour, les journées ont été denses et intenses, alors pour certains, le besoin de s’isoler se manifeste… Comme un besoin d’une bulle pour digérer tous ces nouveaux souvenirs, bons et moins bons, pour ces personnes dont le quotidien en CADA (centre d’accueil de demandeurs d’asile) est morose.
JOUR 5
A Conques, on se lève tôt, on fait beaucoup d’activités et comme le dit Bailo : “Pour nous les journées sont deux fois plus fatigantes. On est fatigués physiquement et on est fatigués mentalement parce qu’on pense constamment à tout ce qu’on a vécu”. Alors ce vendredi matin, nous avons décidé de prendre le temps de nous reposer. Le reste de la journée se passe sereinement. On va en art-thérapie, on joue à la pétanque. Pour certains, ce cinquième jour se termine par un coucher de soleil magnifique sur les vignes qui entourent le village. Les jeunes profitent de ce moment de répit. Une journée remplie les attend demain : il va falloir préparer des spécialités culinaires de leur pays au groupe et aux Conquois invités à notre soirée.
JOUR 6
Pour Margot, Djibril, Bailo et Anas, la journée débute à 7h avec une course à pied. Et un lever de soleil magnifique. Un décor idyllique. La journée est passée tranquillement jusqu’a notre habituelle fête du dernier soir. L’occasion de se changer les idées, d’extérioriser. Et extérioriser, c’est ce que nous avons fait. Ensemble, nous avons chanté, dansé jusqu’à n’en plus pouvoir. Malgré nos différences culturelles, c’est tous ensemble que nous avons entonné “Aïcha”.
JOUR 7
C’est le dernier jour. Et c’est déjà le moment des au revoir pour David, Renée et Mélanie, qui prennent la route pour Lyon. C’est en chanson et au rythme des percussions que nous les accompagnons à leur voiture. Bientôt, nous allons tous devoir nous quitter et retourner dans nos logements, dans nos CADA. Bailo et Anas, les deux amis qui se sont rencontrés lors du précédent séjour de Limbo, savent qu’ils se reverront : “On se voit tous les week-end à Lille depuis notre rencontre à Conques.” Egbal et Sophia promettent également de se revoir. C’est ça, la magie de Limbo. On tisse des liens très forts, on se trouve des amis, une famille. Après une dernière nuit passée dans le train, vient le moment des câlins à la gare d’Austerlitz. On se sépare en espérant se retrouver rapidement à Paris, à Lille, à Lyon ou pourquoi pas à Conques.